Soupçons de corruption sur le marché de fourniture des passeports biométriques

11 Sep 2020
L’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), un groupement international de journalistes d’investigation partenaire de Transparency International dans le cadre de l’initiative Global Anti-Corruption Consortium (GACC), a publié hier, 09 septembre 2020, sur son site internet un article en anglais intitulé « Belgian Passport-Maker Paid Bribes to Win Madagascar Contract ».
Cet article révèle de façon très détaillée et documentée la façon dont une société belge, SEMLEX, a obtenu en 2006 le contrat public de fourniture de passeports biométriques pour le compte de l’Etat malagasy. Ce contrat a été renouvelé en 2013 pour une nouvelle période de 10 ans.
D’après les éléments publiés dans cet article, dont la plupart a été obtenu grâce à une fuite de correspondances électroniques internes à la société SEMLEX, des paiements d’un montant dépassant les 120 000 € – soit environ 540 millions d’Ariary – auraient été effectués par cette société au Secrétaire d’Etat en charge de la Sécurité publique en poste en 2006, qui se trouve être le signataire du contrat de fourniture de passeports biométriques pour le compte de l’Etat.
Toujours d’après cet article, la société SEMLEX aurait également approché d’autres personnalités politiques, dont un Ministre des Affaires Etrangères en poste en 2010 et 2011, dans le but d’obtenir des contrats publics et d’autres faveurs, en échange d’un soutien politique.
Ces révélations choquantes nous poussent à émettre ce communiqué afin de demander :
• Aux autorités compétentes, et en particulier au BIANCO et au SAMIFIN, d’enquêter sur ces révélations afin de confirmer ou d’infirmer leur véracité ;
• A la Haute Cour de Justice, de juger, conformément à ses prérogatives constitutionnelles, les affaires de corruption impliquant de hautes personnalités politiques, en toute impartialité et avec célérité ;
• Au Ministère de la Sécurité Publique, d’expliquer les raisons de l’attribution en 2006 du contrat de fourniture de passeports biométriques à la société SEMLEX, et les conditions du renouvellement dudit contrat en 2013, dont le contenu intégral doit sans attendre être rendu public ;
Nous suggérons par ailleurs que les autorités étatiques, tant au niveau du pouvoir exécutif que législatif, s’interrogent sur la pertinence de faire appel à des prestataires externes pour réaliser des missions régaliennes, comme celle de la fourniture de passeports aux citoyens malagasy.
Un audit impartial des conditions d’attribution de l’ensemble de ces contrats, notamment ceux liés à la fourniture de tout type de documents d’identification, devrait être mené sans tarder.
Enfin, il nous parait indispensable, au regard des accusations répétées de corruption portées à l’endroit de hauts responsables de l’Etat concernant l’attribution de marchés publics, que soient considérablement renforcés le contrôle et la surveillance des marchés publics.
Pour ce faire, un renforcement de l’ensemble des instances de contrôle des finances publiques et des agences anti-corruption, tant au niveau des ressources qui leur sont attribuées que de leurs attributions, nous parait primordial. Plus que jamais, des institutions de lutte contre la corruption fortes et indépendantes sont vitales pour combattre avec vigueur le fléau de la corruption dans notre pays. Les pôles anti-corruption (PAC), en particulier, possèdent un rôle fondamental dans le système anti-corruption (SAC), qu’il convient de préserver et de renforcer.
A l’inverse, toute tentative de remettre en cause l’indépendance des PAC et des autres organes publics de lutte contre la corruption menacerait grandement la capacité du système anti-corruption malagasy à faire face au type de malversations révélées par ce récent article de l’OCCRP, en particulier lorsque de hautes personnalités de l’Etat sont impliquées.