Politique monétaire : Taux directeur journalier fixé à 0.9%

3 May 2019

Dans le cadre de la revue semestrielle de la politique monétaire, le Comité Monétaire de Banky Foiben’i Madagasikara (BFM), lors de sa réunion de ce 3 mai, a décidé de maintenir le taux directeur pour les opérations à un an de maturité à 9,5%, ainsi que le coefficient des réserves obligatoires à 13,0%.

Cette décision s’est basée sur les résultats d’analyses relatives aux évolutions récentes de la conjoncture macroéconomique et des perspectives pour les prochains mois. En effet, l’inflation a certes présenté une tendance baissière sur les derniers mois, mais les excédents d’encaisse réelle demeurent élevés. Cette situation présuppose l’existence d’une croissance potentielle dans l’économie qui pourrait absorber ces excédents. BFM reste ainsi attentif
à l’évolution des variables pouvant à court terme déterminer le niveau des prix et prendra les mesures appropriées en cas de dérapage.

Par ailleurs, afin d’améliorer le cadre opérationnel de la politique monétaire, un deuxième taux directeur pour les opérations à un jour est introduit. Ce dernier s’ajoute au taux directeur pour les opérations à un an de maturité qui est l’équivalent de l’actuel taux directeur. Cette résolution du Comité monétaire s’inscrit dans la logique de mise en œuvre progressive d’instruments indirects plus modernes.

Le niveau de ce nouveau taux directeur a été fixé à 0,9%.


Note de conjoncture économique
[Situations récentes et perspectives pour le reste de l’année 2019]

Le Comité monétaire de Banky Foiben’i Madagascar (BFM) s’est réuni le 3 mai 2019 pour la revue semestrielle de la politique monétaire. Les discussions ont porté sur l’évolution récente de la conjoncture macroéconomique et sur les perspectives pour les prochains mois, à l’issue desquelles le maintien du taux directeur des opérations à un an de maturité à 9,5 pour cent et du coefficient des réserves obligatoires à 13,0 pour cent a été décidé.

L’amélioration du cadre opérationnel de la politique monétaire a aussi fait l’objet d’échanges et la décision d’introduire un taux directeur des opérations à un jour de maturité a été prise. Le niveau de ce deuxième taux directeur a été fixé à 0,9 pour cent.

Par ailleurs, BFM continuera d’évaluer les conjonctures nationales et internationales, et de suivre les variations des déterminants du niveau des prix. En cas de besoin, BFM interviendra sur les marchés et/ou ajustera le niveau des instruments de politique monétaire.

Secteur réel
En 2018, l’économie de Madagascar a enregistré une croissance soutenue, amorcée depuis 2016, avec un taux de croissance de 5,2 pour cent , le plus élevé au cours de ces dernières années. Sur la base des statistiques du World Economic Outlook (WEO) du FMI [avril 2019], cette croissance nationale est supérieure de 1,6 point de pourcentage par rapport à la croissance moyenne mondiale et de 2,2 points à la croissance moyenne en Afrique sub-saharienne. L’année 2018 a été marquée par un rebond au niveau de l’agriculture, pour laquelle on a observé une croissance de 4,9 pour cent. Contrairement aux années précédentes, la croissance a été mieux repartie entre les trois secteurs. Elle a été soutenue par les investissements qui ont atteint 20,0 pour cent du PIB en 2018, soit une hausse de 5,0 points par rapport aux réalisations des deux dernières années.

Concernant l’inflation, elle a décéléré pour se situer à 6,1 pour cent en glissement annuel à fin 2018, contre 9,0 pour cent à fin 2017. Ce taux relativement modéré observé en 2018 s’explique par une hausse contenue des prix des principaux composants du panier de consommation. Entre décembre 2017 et décembre 2018, le riz ne s’est renchéri que de 4,4 pour cent, contre +28,9 % en 2017. Sur la même période, le prix de l’énergie a augmenté de 8,4 pour cent en 2018, alors que le prix moyen du baril de Brent sur le marché international s’est accru de 30,0 pour cent. L’inflation sous-jacente, calculée en excluant du panier de consommation le riz et l’énergie, a globalement suivi cette tendance. Cette décélération du niveau général des prix a continué au cours des deux premiers mois de 2019 avec un glissement annuel de 6,0 pour cent en janvier et de 5,9 pour cent en février 2019.

Résultats de l’Enquête de Conjoncture Economique (ECE) [4e trimestre de 2018]
Malgré la baisse de leur bénéfice due à une hausse des coûts de production, les entrepreneurs du secteur réel déclarent avoir rehaussé le niveau de l’emploi pendant le quatrième trimestre de 2018, par rapport à la situation du troisième trimestre de 2018. Par ailleurs, deux entreprises sur trois ont répondu n’avoir aucune difficulté pour répondre à une éventuelle hausse de la demande, ce qui montre que l’économie n’a pas encore atteint sa pleine capacité de production. En outre, contrairement au passé, ils ont moins d’appréhension sur les incertitudes sociopolitiques et économiques. Cette fois, ce sont les rubriques « délestage », « activités informelles » et « conditions de la concurrence » qui occupent, dans l’ordre, les trois premières places en termes de contraintes au développement de leur activité.

En ce qui concerne les banques territoriales, elles ont déclaré que l’octroi de crédits a augmenté au quatrième trimestre de 2018, bien que cette hausse soit moins importante que celle du trimestre précédent. Les branches « commerce », « transport » et « distribution pétrolière » restent les plus financées par les banques. Les crédits accordés au quatrième trimestre ont continué à être plutôt ceux de court terme (plus de 70,0 % des réponses). Dans le même temps, l’investissement, l’emploi et les bénéfices de ces banques territoriales sont en augmentation.

Secteur extérieur
En 2018, le solde global de la balance des paiements du pays continue d’être positif  de 110,5 millions de DTS, après 168,7 millions de DTS en 2017. Cette situation s’explique surtout par l’amélioration du « compte courant », lequel a bénéficié de l’accélération des entrées de transferts privés, tandis que la balance commerciale a été quasiment stable par rapport à l’année précédente. La filière vanille demeure l’une des principales sources de devises rapportant 840,9 millions USD de recettes et représentant 28,2 pour cent du total des exportations en 2018. Cependant, les soldes des services et des revenus des investissements se sont dégradés. Les opérations financières et en capital ont enregistré un rebond significatif tiré notamment par les investissements directs, mais également par la poursuite des décaissements des prêts et dons.

Au premier trimestre 2019, le solde de la balance des paiements s’est établi à -10,2 millions de DTS, soit dans la même tendance saisonnière qu’au premier trimestre 2018 où il a été négatif de 7,0 millions de DTS. Cette situation résulte essentiellement du net recul de la balance commerciale et de la décélération des flux des transferts courants en provenance du secteur privé. Néanmoins, le solde des opérations en « capital et financières » s’est amélioré à la suite de la bonne tenue des flux d’IDE et des « autres investissements », notamment du secteur public tels que des décaissements au titre des prêts-projets.

A fin décembre 2018, le niveau des réserves s’est établi à 1 221,2 millions de DTS représentant 4,3 mois d’importations de biens et de services non-facteurs (BSNF), s’il était de 1 091,9 millions de DTS à fin septembre 2018, soit 3,8 mois d’importations de biens et services. Le niveau des réserves de BFM est en légère baisse au cours des trois premiers mois de 2019 pour se situer à 1 200,9 millions de DTS, équivalent à 4,2 mois d’importations.

Sur le marché des changes, au quatrième trimestre de 2018, les offres relatives aux recettes d’exportation de vanille se sont stabilisées à 155,6 millions USD, de même que les paiements d’importations de produits pétroliers pour 149,2 millions USD. Pour les trois premiers mois de 2019, les recettes provenant de la filière vanille se sont élevées à 130,9 millions USD, soit une augmentation de 15,9 pour cent par rapport à la situation de la même période en 2018. Du côté de la demande, les paiements d’importation d’énergie sont restés prépondérants et ont connu une hausse de 24,9 pour cent pour atteindre 137,1 millions USD à fin mars 2019.

De fin septembre à fin décembre 2018, l’Ariary est resté relativement stable avec une dépréciation de 1,1 pour cent par rapport à l’USD et une appréciation de 0,7 pour cent par rapport à l’Euro. A fin mars 2019 et par rapport à fin décembre 2018, l’Ariary s’est déprécié de 2,8 pour cent par rapport à l’USD (en passant de 3 470,2 à 3 565,9 ariary) et de 1,3 pour cent par rapport à l’euro (en passant de 3 962,2 à 4 012,5 ariary).

Sur le marché international, l’Euro/Dollar a baissé de 1,2 pour cent sur le quatrième trimestre (de 1,1604 fin septembre 2018 à 1,1467 en fin décembre 2018) consécutivement à une divergence de politique monétaire entre la FED et la BCE. Pendant le premier trimestre, ce cours a continué à baisser pour terminer le mois de mars à 1,1208.

Finances Publiques
Sur l’année 2018, les Opérations Globales du Trésor (OGT) se sont soldées par un déficit estimé à 2,6 pour cent du PIB, en légère détérioration par rapport à celui de 2017 qui a été de 2,4 pour cent du PIB. Comparativement à la situation de 2017, les recettes totales ont progressé à un rythme modéré et le niveau d’exécution des dépenses a été moindre. Le Taux de pression fiscale (TPF) nette de remboursement des TVA a été de 11,7 pour cent en 2018, contre 11,5 pour cent en 2017.

Au premier trimestre 2019, sur la base des données provisoires, le déficit de l’Etat est estimé à 0,7 pour cent du PIB, soit quasiment le niveau réalisé sur la même période en 2018. Par rapport à la Loi de finances initiale, le taux de recouvrement des recettes totales est estimé à 98,6 pour cent à fin mars 2019, contre 104,0 pour cent un an auparavant, en raison surtout de la baisse des recettes sous forme de dons. En outre, le taux d’engagement des dépenses a été de 91,3 pour cent par rapport aux prévisions au premier trimestre de 2019, contre 102,4 pour cent sur la même période de 2018.

Les banques primaires ont fortement contribué au financement du déficit de l’Etat à travers leur souscription nette aux titres publics avec deux tendances opposées, un recours plus accru aux BTF (titres à moyen et long terme) et un remboursement des BTA (titres à court terme). En revanche, vis-à-vis de BFM, l’Etat a procédé à un remboursement net de 212,0 milliards d’ariary sur les trois premiers mois de 2019 et ce, principalement par le règlement d’avances statutaires pour 212,3 milliards d’ariary. Le système non-bancaire a été également remboursé à hauteur de 37,8 milliards d’ariary sur la même période. Le financement par ressources extérieures a été de 144,4 milliards d’ariary, provenant essentiellement des tirages sur prêts-projets.

Secteur monétaire
D’une manière générale, l’expansion des agrégats monétaires a connu un net ralentissement en 2018, tendance qui a continué au cours des premiers mois de 2019.

A cet égard, la base monétaire a affiché une tendance à la décélération, son glissement annuel ayant été ramené à 13,0 pour cent à fin décembre 2018, contre 18,6 pour cent à fin 2017. Cette décélération s’est poursuivie jusqu’au mois de mars 2019, où son glissement annuel a été réduit à 12,0 pour cent.

A l’instar de la base monétaire, la masse monétaire a également affiché un ralentissement. Si la croissance annuelle de la masse monétaire était de 17,8 pour cent à fin 2017, elle a été réduite à 11,2 pour cent à fin décembre 2018, pour se relever légèrement à 12,1 pour cent à fin février 2019. Sur les deux premiers mois de 2019, la masse monétaire s’est légèrement repliée de 12,6 milliards d’ariary (-0,1 %) sous l’effet de remboursement des crédits bancaires pour 151,3 milliards d’ariary, essentiellement constitués de crédits de trésorerie. Cela a limité l’effet expansif des créances nettes sur l’Etat du système bancaire, lesquelles se sont accrues de 178,4 milliards d’ariary sur les deux premiers mois à la suite des souscriptions nettes des banques aux Bons de Trésor.

Perspectives pour 2019
Au niveau international, le WEO du mois d’avril 2019 prévoit un ralentissement de la croissance ou, tout au plus, une précarité de la reprise économique. Ainsi, le taux de croissance économique mondial se situerait à 3,3 pour cent en 2019, contre une prévision de 3,5 pour cent en janvier. Les principales raisons qui ont conduit à cette révision à la baisse sont, entre autres : l’escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, le durcissement de la politique de crédit en Chine et le resserrement financier consécutif à la normalisation de la politique monétaire dans les grandes économies avancées. En ce qui concerne l’énergie, malgré la hausse de l’ordre 32,0 pour cent du prix du baril de Bent depuis le début de l’année, les prévisions du WEO et de l’Energy information Agency tablent sur des baisses de prix respectivement de 14,0 et de 8,0 pour cent en 2019. Ceci équivaudrait à un prix moyen du baril entre 61,8 et 65,1 USD. Pour le riz, le WEO estime que son prix va baisser de l’ordre de 3,3 pour cent entre 2018 et 2019.

Au niveau national, un plan à moyen terme de mise en œuvre de la vision IEM est en cours d’élaboration et sera validé au cours des prochains mois. Il formera le cadre des politiques sectorielles. Pour 2019, il est prévu que les performances de l’économie seraient au moins aussi bonnes que celles de 2018. Le taux d’investissement demeurerait au dessus de 20,0 pour cent du PIB, tandis que l’inflation serait légèrement supérieure à celle de 2018. Une bonne mise en œuvre de la politique budgétaire assoira ces hypothèses.

Les résultats de l’Enquête de conjoncture économique de janvier 2019 révèlent que les entrepreneurs du secteur réel prévoyaient une hausse de leur vente et de leur carnet de commande au cours du premier trimestre de 2019, quoiqu’en décélération. Selon les mêmes répondants, l’investissement entamerait une phase ascendante, tandis que l’emploi serait quasiment stable.

Selon toujours la même enquête, pour le premier trimestre de 2019, la majorité des banques territoriales estimait pouvoir augmenter l’octroi des crédits aux entreprises par rapport au trimestre précédent. Elles prévoyaient une légère hausse des crédits à long terme, en cohérence avec la baisse d’inquiétude sur le risque politique. Les principaux secteurs d’activité qui bénéficieraient des crédits seraient, entre autres, le « commerce », le « transport », l’« agriculture » et la « distribution pétrolière ». En ce qui concerne les taux d’intérêts, 75,0 pour cent des banques territoriales affirmaient qu’elles allaient maintenir les niveaux actuels des taux d’intérêts moyens débiteurs, tandis que 11,0 pour cent estimaient qu’il y a lieu de les réduire.

Concernant les prévisions du secteur extérieur, le solde des transactions courantes serait déficitaire au cours des prochains mois, en raison de l’accélération des importations de biens d’équipement et de matières premières, conformément aux objectifs de croissance. Le commerce sur les biens serait aussi marqué par un niveau de prix encore élevé de la vanille sur le marché international, malgré une tendance observée à la baisse au cours de ces derniers mois. Le marché des produits miniers connaitrait des incertitudes à la suite des tensions commerciales internationales. Au niveau du compte en « capital et financier », il est prévu une augmentation des tirages sur les prêts-projets, laquelle explique en partie l’anticipation à la hausse de la demande en biens d’équipement. Les flux d’investissements directs sont prévus progresser à un rythme constant. En somme, une balance globale positive est attendue à l’instar des trois précédentes années.

S’agissant de la situation des finances publiques, l’Etat envisage de poursuivre les efforts déjà entrepris, entre autres, au niveau des recettes, la mobilisation des recettes fiscales avec comme objectif un TPF de 12,2 pour cent du PIB en 2019 (contre 11,7 % en 2018), et au niveau des dépenses, l’augmentation progressive des dépenses sociales prioritaires visant 2,0 pour cent du PIB en 2021 (après 1,1 % en 2018). Par la suite, le déficit budgétaire à fin décembre 2019 est prévu se situer autour de 2,8 pour cent du PIB. Le financement de ce solde serait essentiellement assuré par des ressources extérieures à hauteur de 84,8 pour cent et le reste par le système bancaire.

En définitive, ces réalisations et perspectives économiques justifient le maintien des instruments de politique monétaire à leurs niveaux actuels. Néanmoins, en cas de dérapage, BFM adoptera une politique monétaire restrictive qui se traduirait notamment par le renforcement des ponctions sur le marché monétaire, tout en restant attentif à l’ampleur des interventions pour ne pas compromettre le financement de l’économie.