Plan Sectoriel de l’Éducation, la société civile fait bloc

16 Aug 2019

Les organisations de la Société Civile signataires du PSE (Plan Sectoriel de l’Education) condamnent la “démarche unilatérale” du gouvernement de faire marche arrière par rapport au PSE et demandent au gouvernement de la revoir pour préserver la paix sociale et l’intérêt des enfants. Par ailleurs, ces organisations de la société civile demandent à toutes les parties prenantes ayant endossé le PSE de se mobiliser pour défendre le respect des engagements et préserver la crédibilité de l’Etat malagasy.

Communiqué de presse

LE GOUVERNEMENT FAIT MACHINE ARRIERE SUR LE PSE :EST-CE UNE VOLONTE DE PROFITER DE L’IGNORANCE ET DE LA PAUVRETE DES CITOYENS ET ENFANTS MALAGASY ?
La grande majorité de la population malagasy vit toujours dans une situation de pauvreté extrême, l’Education tient un rôle particulièrement crucial pour briser ce cercle de la pauvreté.
Or, les indicateurs de l’éducation à Madagascar sont au rouge, ce qui prouve un échec des politiques sectorielles qui se sont succédées :
● Seulement 6 % des enfants de 7 à 14 ans savent compter,
● Sur 100 enfants, seulement 32 finissent le cycle primaire et entre en secondaire et
● Sur 100 enfants, 9 seulement achèvent le lycée.
● Forte disparité régionale avec des taux descendant jusqu’à 27 % de taux de rétention scolaire dans le Sud, ainsi que des situations plus graves pour les enfants des zones rurales par rapport aux zones urbaines et peri-urbaines.
Le PSE, Plan Sectoriel de l’Éducation, a été élaboré à la lumière de ces constats alarmants, dans un esprit de réforme et dans une démarche participative et inclusive pour que les enfants malgaches aient le maximum de chances de bénéficier d’une éducation de qualité, équitable à tous leur assurant un meilleur avenir. Les 3 principes fondamentaux ci-après sont au centre du PSE sans lesquels il n’est qu’une énième répétition des politiques qui ont déjà échouées au détriment de la majorité de nos enfants du monde rural, fréquentant les écoles publiques:
L’utilisation de la langue maternelle pour les trois premières années d’enseignement, ce qui est scientifiquement prouvé comme la meilleure manière de permettre à l’enfant d’intégrer le système scolaire,
L’Éducation fondamentale de 9 ans permettant le prolongement du taux de rétention avec un système d’évaluation pour les 3 sous-cycles. Ceci sous-tend la suppression du CEPE,
● La mise en place d’un nouveau calendrier scolaire qui favorise la réduction de l’absentéisme, du taux de redoublement et du taux d’abandon, tout en atteignant le taux de 900 heures de temps d’apprentissage effectif nécessaires pour améliorer le niveau. Pendant la période de pluie, de cyclone qui coïncide aussi avec la période de soudure, les enfants ne doivent pas aller à l’école.
Ces trois fondamentaux doivent bien sûr être accompagnés et renforcés par plusieurs autres mesures dont les plus importantes sont la revalorisation des métiers de l’enseignement(formation des enseignants, révision des motivations salariales, etc.), la construction et l’amélioration des infrastructures, l’amélioration des curricula/programmes selon les profils de sortie, la décentralisation et la lutte contre la corruption au sein du secteur de l’éducation.
Le Ministère de l’Education Nationale et de l’Enseignement Technique et Professionnelle, à travers son Ministre, a récemment déclaré faire marche arrière par rapport au PSE, en annonçant un retour à l’ancien calendrier scolaire et le maintien du CEPE qui sont parmi les principales barrières pour l’éducation fondamentale de 9 ans. Malgré un appel initial au dialogue, le Premier Ministre a confirmé cette décision unilatérale du gouvernement.
Cette décision est d’autant plus incompréhensible que l’actuel Premier Ministre a aussi signé et endossé ce PSE en tant que Représentant d’un Organisme International (OIT), partenaire de l’Etat, pour l’intérêt supérieur des enfants malagasy et pour éviter/réduire l’exploitation/le travail des enfants.
La prise de position unilatérale du gouvernement va à l’encontre des intérêts de la majorité des populations/enfants malagasy vivant dans les zones rurales qui n’ont des voix ni via les media, ni via les réseaux sociaux, ni via les cercles restreints et fermés de personnes ou entités privées influentes, ni à travers les représentants élus dans leur circonscription.
Si d’un côté, par l’éducation fondamentale de 9 ans et la modification du calendrier scolaire, plus de 80% des parents du monde rural ayant des enfants fréquentant les écoles publiques espèrent avoir de temps suffisant et adéquat pour envoyer et maintenir leurs enfants à l’école sans trop de risques en évitant la période de pluie, d’aléas climatiques coïncidant avec la période de soudure ; de l’autre, quelques parents du monde urbain, déjà avantagés et envoyant majoritairement leurs enfants dans les écoles privées, militent pour avoir de temps suffisant et adéquat pour bénéficier de vacances tranquilles ou aussi pour permettre à leurs enfants de directement continuer leurs études à l’étranger.
Si d’un côté le diplôme de CEPE est devenu le seuil maximal et l’un des goulots d’étranglement empêchant l’accès et la poursuite des enfants dans le monde rural de leur éducation scolaire jusqu’au niveau secondaire actuel, de l’autre les quelques parents du monde urbain réclament son maintien pour juste le plaisir de voir leurs enfants bénéficier d’un diplôme en poche alors que ce diplôme n’a presque aucune valeur pour entrer dans le monde professionnel, et que de toutes les façons, ces mêmes enfants majoritairement arrivent à finir l’éducation de 9 ans sanctionnée par le diplôme de BEPC.
La décision du Gouvernement fragilise donc davantage les parents/enfants du monde rural fréquentant majoritairement les écoles publiques et aura surement une conséquence néfaste sur l’équité non seulement en matière d‘accès à l’éducation mais dans tous les domaines socio-économiques et accentuera la pauvreté ou le fossé de pauvreté entre les malagasy.
La prise de position unilatérale du gouvernement va radicalement à l’encontre du respect des engagements et du principe de concertation, nécessaires à une bonne gouvernance.
Le PSE a été élaboré à partir du RESEN, une étude basée sur une méthodologie scientifique mondialement reconnue intégrant toutes les dimensions de l’éducation couvrant l’ensemble de notre territoire, renforcé et suivi de plusieurs mois de concertation avec tous les acteurs, dont des consultations à travers les 22 régions. Le PSE a été endossé et signé par 52 entités incluant la société civile, le secteur privé, les syndicats, les partenaires techniques et financiers et l’Etat, et une plateforme nationale du PSE, regroupant toutes les entités, a été mise en place pour faciliter les échanges entre les parties prenantes dans le cadre de la mise en œuvre du PSE.
La décision de revenir sur les deux éléments clés du PSE (Education fondamentale de 9 ans et le calendrier scolaire) par contre n’a été basée sur aucune étude valide et a été seulement fondée sur des consultations de quelques acteurs/parents au niveau de 7 régions, des acteurs/parents majoritairement des zones urbaines et peri-urbaines, doublée par le lobby puissant des acteurs du système éducatif privé. Néanmoins, il est encore encourageant de constater que lors de la dernière réunion de la PNPSE, la majorité des acteurs même les Responsables et Techniciens du Ministère sont contre ou du moins ne s’alignent pas ce revirement inconsidéré du Gouvernement concernant le PSE.
La prise de position unilatérale du gouvernement transgresse le principe de continuité et nuit à la crédibilité de l’Etat malagasy. Elle entame la confiance fragile des partenaires techniques et financiers, nationaux et internationaux envers le gouvernement.
Le sentiment de désarroi s’installe auprès de la plupart des acteurs de l’éducation à commencer par les Responsables et personnels techniques des Ministères en charge de l’éducation. Leur communication technique toujours en faveur de la pertinence, du maintien et de la poursuite du PSE détonne avec les décisions politiques du gouvernement. Cela semble dénoncer l’irrationalité des décisions prises tout en avouant leur incapacité de réagir, est-ce par peur de représailles ? La démotivation grandissante risque encore d’accentuer les laisser-aller déjà palpable dans ce secteur important pour le pays. Les acteurs comme nous Société civile qui avons apposé notre signature pour endosser le PSE, affirmons qu’avec le recul sur les deux éléments clés cités ci-haut, le PSEserait dépourvu de sens et de fondement.
Les communautés internationales à commencer par le GPE (Global Partnership for Education) pourront-elles renier leur procédure. Ces Partenaires Techniques et Financiers se sont mobilisés massivement pour nous allouer des fonds et nous accompagner techniquement, convaincus de notre volonté collective (pas seulement du Gouvernement mais aussi du Privé et de la Société Civile) d’améliorer significativement notre système éducatif en osant faire une vraie réforme pour l’intérêt de nos enfants. Il serait inconcevable que ces mêmes partenaires puissent accepter de financer un PSE, totalement modifié sans passer par les mêmes processus. Cela témoignerait un manque de rigueur et serait considérer comme une totale non considération des intérêts des populations/enfants malagasy, pour suivre aveuglement les décisions du Gouvernement.
CONCLUSION
Nous, Organisations de la Société Civile signataires du PSE:
● condamnons et dénonçons fermement cette démarche unilatérale du gouvernement, demandons au gouvernement de la revoir pour préserver la paix sociale et l’intérêt des enfants
● demandons à toutes les parties prenantes ayant endossé le PSE de se mobiliser pour défendre le respect des engagements et préserver la crédibilité de l’Etat malagasy, que nous représentons tous,
● encourageons toutes les parties prenantes à communiquer et débattre avec les citoyens sur les réformes apportées par le PSE pour améliorer l’accès de tous à l’Education et la qualité de l’enseignement.
● mobilisons les responsables et citoyens sans exception à avoir une attitude de solidarité nationalepour favoriser l’accès de tous/toutes à une éducation de qualité notamment pour nos enfants vulnérables du monde rural fréquentant les écoles publiques.
Nous sollicitons la sagesse et clairvoyance du Président de la République à prendre cette opportunité du PSE pour honorer ses engagements/velirano vis-à-vis des populations/citoyens et enfants malagasy en leur facilitant l’accès équitable à une éducation de qualité.
Nous restons mobilisés et sommes disposés à échanger, discuter et débattre sur comment améliorer la mise en œuvre du PSE sans toucher à ses principes fondamentaux.   Seulement et toujours pour la défense des intérêts des citoyens et enfants malagasy !
Les signataires de ce communiqué sont Education Network, Aide et Action, le mouvement ROHY représenté par ses Organisations membres PACA, MonEPT, SAF/FJKM, CCOC, MSIS-Tatao, TAFO MIHAAVO, ASOS et FVTM.