Non au renforcement du pouvoir des gouverneurs

21 Jul 2021

Des plateformes de la société civile se sont réunies et ont dressé un communiqué conjoint, par rapport à leurs désaccord avec l’Etat malagasy sur un projet de décret concernant les régions, “qui risque de renforcer la centralisation du pouvoir entre les mains de l’exécutif”.

Il s’agit, en effet, de la déclaration à l’unisson de 8 plateformes de la société civile à savoir la Coalition des radios pour la paix, le collectif des citoyens et des organisations citoyennes (CCOC), Liberty 32, ONG Ivorary, ONG Saha, ONG Tolotsoa, Sehatra iombonana ho an’ny Fananan-tany (SIF) et enfin Transparency International – Initiative Madagascar (TI-MG).

Dans cette déclaration, ces plateformes de la société civile voudraient attirer l’attention du public quant à l’existence d’un projet de décret complétant certaines dispositions du décret n°2019-1866 du 25 septembre 2019 relatif au Gouverneur qui devrait passer en conseil des ministres ce mercredi 21 juillet 2021.

Ces organisations estiment que “ce texte porté par le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation risque de renforcer les pouvoirs des gouverneurs “désignés” vis-à-vis des services territoriaux déconcentrés (STD). Ce qui, par extension, ne fera que renforcer la concentration des pouvoirs entre les mains du pouvoir central. Une situation inacceptable dans une logique de décentralisation, nous amenant à dénoncer ce texte publiquement et à demander son annulation.

Ce projet de décret, dont la conformité avec la Constitution et les textes en vigueur relatifs à la décentralisation et à la déconcentration à Madagascar est incertaine, remet devant la scène les problèmes récurrents en matière de décentralisation.”

Pas des élus

En effet, ces organisations rappellent que ces Gouverneurs, « Chefs de région », ne sont toujours pas élus. “Conformément aux articles 154 et 155 de la Constitution, les organes des Régions doivent être élus. Il en est ainsi des chefs de l’exécutif des Régions et du Conseil Régional. Le procédé de la désignation pour occuper ces postes doit revêtir un caractère exceptionnel et non devenir la norme tel que cela semble aujourd’hui être le cas. Les élus locaux doivent avoir la liberté d’élire leurs représentants au niveau des Régions, sans logique de parti ni de couleur politique. La HCC a précisé le caractère temporaire de la désignation de l’organe exécutif de la Région à travers sa décision n°17-HCC/D3 du 28 novembre 2019 concernant le décret n°2019-1866 du Gouverneur. A ce titre, il est impératif d’organiser l’élection des chefs de régions tels que prévus par les textes en vigueur. Le passage par les urnes souligne davantage l’existence d’une distinction entre les intérêts locaux et les intérêts nationaux. En effet, les Gouverneurs actuels, ayant été désignés par le pouvoir en place, sont enclins à s’aligner directement aux projets d’envergure nationale initiés par l’Etat alors que les projets d’intérêts locaux devraient constituer leurs préoccupations majeures.

Par ailleurs, elles soulignent aussi que les STD ne sont pas dotés des moyens qu’ils méritent. Car, “le système de décentralisation malgache, selon eux, repose sur deux piliers à savoir, d’une part, la déconcentration de l’administration d’une part et les collectivités territoriales décentralisée. Autrement dit, les acteurs sectoriels fournissent leur assistance technique aux acteurs du territoire suivant les besoins inhérents aux planifications territoriales et à leur mise en oeuvre. Si les Gouverneurs/Chefs de région étaient élus conformément aux exigences constitutionnelles, les dispositions prévues par le projet de décret ici incriminé, qui obligent les STD à rendre compte au chef de l’exécutif de la Région et d’assister les collectivités territorials décentralisées (CTD) selon leur besoin, pourraient paraître comme une avancée vers la territorialisation des fonctionnaires. Seulement, puisque les organes des Régions ne sont pas élus, la configuration proposée par le projet de décret ne fait pas de sens.

Et d’autre part, dans le contexte actuel, même si les STD le souhaitaient, ils ne disposent pas des ressources nécessaires (financières, matérielles, humaines) pour exercer comme il se doit leurs fonctions d’appui aux CTD. A la longue, ces dernières ne leur adressent plus de demandes d’assistance technique et les STD perdent progressivement de leur essence.

Recommandations

Par conséquent, ces plateformes de la société civile demandent à ce que “les responsables se rétractent et ne présenteront pas ce projet de décret en conseil de ministres car il risque de renforcer la concentration des pouvoirs entre les mains de l’Exécutif central, servi par des Gouverneurs partisans. Si ce projet de décret venait à être adopté, ces organisations invitent les Chefs d’Institution ou le quart des membres composant l’une des Assemblées parlementaires ou les organes des CTD ou le Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l’Etat de Droit (HCDDED) à prendre leur responsabilité et à saisir la HCC pour un contrôle de constitutionnalité.”

Elles demandent également à ce que “ces responsables organisent dans les meilleurs délais les élections au suffrage universel des Chefs de région et d’arrêter d’entretenir les dispositions transitoires tendant à pérenniser le maintien du Gouvernorat. Par ces élections, les Régions pourront réellement devenir des organes permettant aux citoyens de participer à la gouvernance des affaires régionales, impliquant une meilleure pratique de la démocratie participative, et la redevabilité des élus devant les citoyens.”

Toujours suivant leurs recommandations, elles estiment “qu’il faudrait aussi procéder à l’élection des Conseils Régionaux puisque c’est dans cet organe que la libre administration, premier principe de la décentralisation, puise tout son sens. Et enfin, il faudrait doter les CTD et les STD de moyens adéquats visant à la pleine réalisation de leurs attributions.

La société civile, dans son rôle de watchdog, restera vigilante quant aux suites réservées au présent appel” a-t-on précisé.

Rafr.