Le Collectif Tany s’oppose à la légalisation de l’achat de terres malgaches par les investisseurs étrangers

23 May 2022

Les institutions financières internationales visent-elles la diminution de la pauvreté des malgaches ou le contraire ? C’est la question que se pose le collectif pour la Défense des terres malgaches – Tany.

Ce collectif émet ses préoccupations concernant les recommandations formulées dans un document de la Société Financière Internationale (SFI) et de la Banque Mondiale intitulé « Diagnostic du Secteur Privé – Créer des marchés à Madagascar » publié en décembre 2021. Lesdites recommandations portent sur la « réforme » de plusieurs lois, afin que les investisseurs étrangers puissent devenir propriétaires de terres malgaches. Celles-ci méritent d’être portées à la connaissance de tous et d’être dénoncées, estime le Collectif Tany.

Partant d’une analyse de la situation de Madagascar post-Covid-19, le rapport de la SFI et de la Banque mondiale met en évidence les défauts et lacunes du pays, déjà souvent évoqués, qui empêcheraient le développement du secteur privé et la venue d’investisseurs, comme la gouvernance et l’insuffisance d’infrastructures dans divers domaines. Il avance ensuite des propositions pour améliorer l’environnement des affaires en demandant notamment la réduction « des avantages injustes dont bénéficient certaines entreprises en place », l’adoption d’une loi sur les investissements qui « harmonise les différentes lois et réglementations […], une condition primordiale permettant de renforcer la confiance des investisseurs » ; et l’accélération de « réformes » qui motiveraient de nouvelles entreprises à s’installer, en citant « le transfert de propriété ».

Dans ce rapport, un chapitre consacré aux terres souligne que le marché foncier à Madagascar ne fonctionne pas à cause d’un régime foncier précaire qui limite l’accès à la terre pour la production agricole et le développement des entreprises du secteur privé. Selon le rapport, les étrangers ne peuvent pas acquérir définitivement des terres, et le cadre de la location n’offre pas une sécurité suffisante pour les investissements à long terme. Aussi, la mise à jour du cadre juridique et de la Loi-cadre sur le zonage est suggérée, pour clarifier les procédures relatives aux zones d’investissement, y compris les zones d’investissement agricole. L’adoption de la loi sur les propriétés foncières privées titrées, qui vise à faciliter les procédures de transfert des terres et à créer la possibilité d’acquérir des terres est également avancée.

D’après le collectif Tany, le risque de voir le gouvernement malgache adopter ces recommandations de la Banque Mondiale est très élevé. En effet, dans une lettre d’intention destinée au Fonds Monétaire International (FMI) datée du 24 février 2022, la Ministre de l’Economie et des Finances a indiqué que l’Etat malgache poursuit les efforts pour promouvoir un climat d’affaires favorable, qui est essentiel pour stimuler l’investissement privé, comme prévu dans le Plan Emergence Madagascar (PEM). Dans le cadre d’une nouvelle loi sur les investissements, l’Etat compte renforcer l’égalité de traitement des investisseurs nationaux et étrangers, et clarifier entre autres les questions d’accès à la terre et des droits de propriété, rapporte le collectif.

Souveraineté

Cette organisation de la société civile soutient que les recommandations de la SFI et de la Banque mondiale vont à l’encontre du développement des malgaches.  En effet, légaliser l’achat de terres malgaches par les investisseurs étrangers est dangereux pour l’existence de la majorité des malgaches à moyen et long terme et pour leurs droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux, indique-t-on. L’inégalité criante des moyens risque d’aboutir rapidement à une cession massive de terres aux investisseurs étrangers et à la disponibilité d’une part minoritaire du territoire aux ressortissants malgaches aux revenus modestes, selon les explications. Le collectif Tany souligne que la terre n’est pas une marchandise mais un bien public, précieux, commun à l’ensemble de la nation malgache dont les générations futures devront hériter pour assurer leur souveraineté alimentaire et leur développement.

Le collectif Tany indique que la revendication d’accès à la propriété foncière des investisseurs étrangers à Madagascar véhiculée par le diagnostic du secteur privé de la Banque Mondiale s’avère scandaleuse car elle fait violence aux valeurs culturelles malgaches, annule tout espoir de développement durable de la majorité de la population et vise à enrichir davantage les oligarques nationaux et étrangers. « Elle nous promet encore plus d’inégalité, pas moins », souligne le collectif.

Si l’inégalité de traitement entre des investisseurs déjà sur place et les nouveaux arrivants constitue un problème, c’est dans le sens d’une diminution des avantages des investisseurs privilégiés que les lois devraient être modifiées mais non pas dans le sens d’un dépouillement définitif des générations malgaches d’aujourd’hui et de demain de leurs terres, que la légalisation des ventes de terres aux investisseurs étrangers provoquera de manière certaine, estime cette organisation de la société civile pour la défense des terres malgaches.

Irina