La loi sur l’autonomie des Universités et Centres de recherches déclarée non conforme à la Constitution

13 Jun 2023

La Haute Cour Constitutionnelle (HCC) déclare, une nouvelle fois, la loi n°2022-022 sur l’autonomie des Universités et des Etablissements Publics d’Enseignement Supérieur et de Recherche Scientifique non conforme à la Constitution. Ladite loi ne peut ainsi être promulguée, indique la HCC.

La Loi sur l’autonomie des Universités et des Etablissements Publics d’Enseignement Supérieur et de Recherche Scientifique dispose entre autres que  « les enseignants et chercheurs ne peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires en raison des enseignements qu’ils dispensent, des recherches qu’ils effectuent ou qu’ils publient ou qu’ils communiquent par voies de médias dans le respect de l’éthique et de la déontologie».

Dans sa décision, la Haute Cour Constitutionnelle souligne que la lecture de la loi déférée a fait ressortir que le législateur confond la liberté ou franchise universitaire et immunité juridictionnelle en matière pénale. Le principe universel de la liberté universitaire, un des composants de l’autonomie des universités, implique effectivement que les enseignants chercheurs jouissent d’une pleine liberté dans leurs activités d’enseignements et de recherche. Cependant, comme toute liberté, la liberté universitaire ne peut pas se soustraire aux limites posées par l’article 10 de la Constitution, à savoir le respect des libertés et droits d’autrui et par l’impératif de sauvegarde de l’ordre public, de la dignité nationale et de la sécurité de l’Etat, et  par l’article 16 qui dispose que dans l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Constitution, tout individu est tenu au devoir de respect de la Constitution, des Institutions, des lois et règlements de la République, ainsi qu’aux limites posées par l’éthique et la déontologie des enseignants chercheurs et des chercheurs enseignants, explique-t-on.

A rappeler que la Haute Cour Constitutionnelle, par sa décision du 9 février 2022, a déjà déclaré non conforme à la Constitution le fait d’octroyer une immunité juridictionnelle aux enseignants et chercheurs car heurtant l’article 6 de la loi fondamentale en ce qu’il viole le principe d’égalité de tous devant la loi. En outre, le principe de l’autonomie des universités posé par le constituant ne justifie pas à ce que soit dérogé le principe d’égalité de tous devant la loi, indique la Cour.

La HCC souligne également que la nécessité d’autonomie administrative et financière ne soustrait pas les universités aux respects des grands principes budgétaires. En autorisant l’ouverture de comptes bancaires par les présidents des universités, les directeurs généraux des IST ou des directeurs des CNR, tel qu’il est mentionné à l’article 17 de la loi déférée, le législateur se heurte à plusieurs principes dont celui de la séparation des fonctions des ordonnateurs et des comptables publics et celui de l’unicité de caisse, selon la HCC.

En autorisant les présidents des universités, les directeurs généraux des IST ou les directeurs des CNR, qui sont en charge de la gestion de ces établissements et sont par conséquent, sur le plan budgétaire et financier, les ordonnateurs du budget de leur établissement, à ouvrir un compte bancaire au nom de l’établissement, le législateur crée une situation de gestion de fait « généralisé » laissant des ordonnateurs manier des fonds publics à la place du comptable public, seul autorisé à le faire tel qu’il est prévu par la loi organique sur les lois de finances, explique la Cour. De plus, en limitant la fonction du comptable public uniquement à la gestion des subventions allouées par l’Etat, le législateur remet en cause le principe d’unicité de caisse lequel exige que toutes les ressources d’un établissement public soient versées dans une seule caisse et soient gérées uniquement par le comptable public qui est responsable personnel et pécuniaire de sa gestion, ajoute-t-elle.

La HCC rappelle que l’article 95-14° de la Constitution prévoit uniquement l’adoption d’une loi sur l’autonomie des universités ainsi que le statut des enseignants de l’enseignement supérieur. Aussi, le régime juridique des Instituts Supérieurs de Technologie (IST), des Centres Nationaux de Recherche et du CNTEMAD ne relève pas de la loi sur l’autonomie des universités mais du domaine réglementaire. L’omission de la définition des termes « universités et établissements d’enseignement supérieur et de recherche scientifique » a conduit la Cour de céans à censurer la loi qui lui a été soumise pour l’irrespect de l’objectif constitutionnel de l’intelligibilité de la loi, a-t-on expliqué.

Faut-il noter que la promulgation de cette Loi a été revendique par le Syndicat des enseignants chercheurs et chercheurs enseignants (Seces) à l’issue de son conseil national tenu vendredi dernier. Ce syndicat se dit déçu par la décision de la Haute Cour Constitutionnelle.