Halte à l’oppression politique des lanceurs d’alerte environnementaux à Madagascar

5 Dec 2023

Alors que la COP 28 bat son plein à Dubaï, la situation des activistes environnementaux à Madagascar est plus alarmante que jamais. Les défenseurs de l’environnement sont confrontés à l’intimidation, au harcèlement, voire à des peines de prison, qui relèvent de l’oppression des citoyens. Les ressources naturelles sont pillées en toute impunité.

Ces réalités sont en contradiction avec le slogan “Madagascar, Ile Verte” promu par les autorités dans les conférences internationales. Nous appelons à une prise de responsabilité immédiate pour faire cesser ces pratiques honteuses qui sont des violations des droits fondamentaux de leurs cibles.
COP après COP, les représentants du pays prennent des engagements sur la protection de l’environnement. Parmi ces engagements figure l’obligation pour l’Etat de protéger les activistes environnementaux. Or, on note depuis des années et plus encore dans le contexte politique des élections présidentielles, une forte dégradation de la situation des défenseurs environnementaux à Madagascar.

Les exemples se multiplient :

  • Dans le Sud, Thomas Razafindremaka de l’association Gny To tsy mba Zainy (GTZ) Ihosy, défenseur environnemental et lanceur d’alerte anti-corruption, condamné à deux ans de prison ferme pour “escroquerie et usurpation de titre” .
  • A l’Est, Angélique Razafindrazoary de l’association Razan’i Vohibola Pangalanes, gestionnaire et défenseuse de la forêt protégée de Vohibola dans l’Est, harcelée et intimidée par des trafiquants de bois sans que l’Etat n’agisse.
  • Rivonala Razafison de l’ACCE/AVG, menacé plusieurs fois pour avoir dénoncé les trafiquants de bois précieux du corridor Zahamena Ankeniheny.
  • Tout ceci s’ajoute aux cas dramatiques de Attoumani Alily (2017) et d’Henri Rakotoarisoa (2022), assassinés pour leur engagement envers la protection de nos ressources naturelles.

La justice Malagasy est très loin de l’application appropriée des droits et des lois dans le domaine de l’environnement. Au contraire, elle agit bien trop souvent dans le sens contraire à sa mission, en protégeant de fait les commanditaires des crimes environnementaux et des ressources naturelles à Madagascar, laissant présumer l’existence de collusions et pressions favorisant l’impunité des véritables responsables.
Rappelons que malgré les actions en plaidoyer de la société civile menées avec sérieux et persévérance depuis cinq ans, la loi pour la protection des Défenseurs des Droits Humains et des Lanceurs d’Alerte n’a toujours pas été adoptée.

Les différentes atteintes à l’Etat de Droit et à la démocratie notées durant le processus électoral se ressentent aussi dans le domaine des crimes environnementaux. L’environnement et les ressources naturelles sont devenus l’otage d’intérêts opaques et les lanceurs d’alerte leurs victimes.

Dans ce contexte, les organisations de la société civile signataires réitèrent leurs demandes concrètes envers l’Etat malagasy et les partenaires techniques et financiers du pays. Ces propositions se basent sur l’atelier sur la protection des lanceurs d’alerte environnementaux, organisé à Antananarivo le 29 juin 2023 :

  • La période politique en cours doit être gérée en assurant la continuité de l’Etat, pour qu’il n’y ait pas d’interruption dans le traitement des plaintes et des alertes issues de la société civile.
  • Nous appelons le futur nouveau gouvernement :
    – à adopter une loi pour la protection des défenseurs des droits humains et des lanceurs d’alerte. Ceci marquerait avec force un nouveau cap salutaire, que nous serions les premiers à saluer.
    – à créer au sein de l’État un organe de protection des lanceurs d’alerte, porté idéalement par la CNIDH.
  • Nous demandons également aux partenaires régionaux et internationaux de Madagascar de réagir face à cette forte restriction de l’espace civique à Madagascar et face au contraste grandissant entre les discours et les actes. Nous demandons :
    – un renforcement des mécanismes d’appui à la société civile et aux lanceurs d’alerte.
    – que la protection des lanceurs d’alerte fasse partie des conditionnalités pour l’appui budgétaire à Madagascar, notamment de la part de la Banque mondiale.

Si l’Etat jouait pleinement son rôle pour la protection des ressources naturelles, les citoyens n’auraient pas besoin de se mettre en première ligne de ces combats.

Madagascar ne peut plus se contenter de réclamer ses droits aux compensations internationales dans les COP, alors même que les autorités ne respectent ni leurs engagements sur la protection de l’environnement, ni les droits des individus qui tentent courageusement de pallier à ses manquements.