Transparency International - Initiative Madagascar plaide pour un assainissement de la gouvernance de la filière litchi

Madagascar figure parmi les plus grands exportateurs de litchi au monde. Ce fruit star des fêtes de fin d’année est notamment consommé en Union Européenne, qui est le lieu de destination d’environ 90% des litchis exportés par la Grande Île.

Toutefois, les quantités qui y sont exportées par le pays n’ont cessé de baisser au cours de cette dernière décennie. Depuis 2019, en effet, le quota d’exportation de 17 500 tonnes mis en place en 2011 pour maintenir des prix de vente élevés n’est plus atteint, ce qui traduit une évidente désaffection des consommateurs européens pour les litchis en provenance de Madagascar, regrette Transparency International – Initiative Madagascar (TI-IM). Si la campagne de 2008-2009 avait atteint les 24 000 tonnes de litchi exportées en Union Européenne, celle de 2021-2022 n’affichait plus que 14 500 tonnes. Une baisse considérable qui trouve son origine dans plusieurs facteurs, notamment dans la gestion de la filière en général, indique-t-on.

Outre ce quota d’exportation annuel fixé à 17 500 tonnes, l’arrêté interministériel de 2011 a également attribué au Groupement des Exportateurs de Litchis (GEL) le rôle d’organiser la campagne d’exportation de litchi au niveau national. Le GEL est une association privée qui regroupe les entreprises qui sont autorisées à exporter du litchi de Madagascar vers l’Union Européenne par voie maritime. On y retrouve une quarantaine de sociétés qui disposent chacune d’une portion du quota d’exportation annuel de 17 500 tonnes. A ses débuts, le groupement a contribué à professionnaliser la filière par la promotion auprès de ses membres de la certification GlobalCap, qui est une série de normes de traçabilité et de sécurité alimentaire reconnue internationalement, note-t-on. Transparency International – Initiative Madagascar de faire remarquer que le GEL possède un contrôle total sur les exportations de litchi par voie maritime. “ Aucun conteneur ne peut quitter le territoire sans l’aval de représentants du GEL. Ainsi, le GEL peut interdire à toute société malgache d’exporter du litchi par voie maritime, notamment vers l’Union Européenne. Une position dominante qui s’est renforcée en 2019 avec l’interdiction par les autorités gouvernementales d’exporter des litchis primeurs par avion, vendus plus chers dans leurs pays de destination et avant le début officiel de la campagne“, rapporte-t-on.

Selon TI-IM, la gestion de la filière litchi par le GEL est critiquée du fait que la répartition du quota d’exportation entre les membres du GEL est très inégalitaire, sans que cela ne soit justifié. Durant la campagne 2019-2020, une société a pu exporter 1166 palettes de litchi sur deux bateaux à destination de l’Union Européenne, alors qu’une autre société n’a pu en embarquer que 40. Les dirigeants du GEL et les importateurs européens se renvoient la responsabilité quant à la décision de répartition du quota d’exportation entre les membres du GEL. Cette opacité est dommageable au développement équitable de la filière, regrette TI-IM.

Par ailleurs, sur simple décision du GEL, deux importateurs européens détiennent aujourd’hui l’exclusivité de l’achat du litchi malgache exporté en Union Européenne par voie maritime. Les entreprises malgaches souhaitant exporter leur litchi par voie maritime vers l’Union Européenne ne peuvent pas vendre leur production à d’autres importateurs, même si ces derniers présentent de meilleurs prix ou des conditions commerciales plus avantageuses, selon Transparency International – Initiative Madagascar.

Concernant justement les prix d’achat du litchi de Madagascar, il est constaté que le prix payé aux producteurs et aux collecteurs est stagnant depuis de nombreuses années. Les exportateurs membres du GEL achètent le kilo de litchi aux collecteurs à environ 1 000 Ar, soit 0,25 € . Ces exportateurs le revendent ensuite à la société mauricienne “The Litchi Trading Company” (LTC) à environ 1 € le kilo. Le prix du litchi malgache sur les marchés de gros en France atteint les 3 € le kilo, rapporte-t-on.

Selon Transparency International – Initiative Madagascar, “ la majorité de la marge bénéficiaire est réalisée par les exportateurs du GEL, par la société mauricienne LTC, ainsi que par les importateurs européens. La filière du litchi malgache profite donc davantage à cette catégorie d’acteurs plutôt qu’aux producteurs et aux collecteurs, qui ont de plus en plus de difficultés à vivre décemment de leur activité“. D’ailleurs, avec toutes les charges qu’implique la récolte, notamment le prix de la main d’œuvre et du transport, le prix actuel imposé par les exportateurs ne permet pas aux producteurs d’avoir un rendement convenable et encore moins de vivre correctement, se plaignent ces derniers.

Il est impératif d’assainir la gouvernance de la filière litchi, estime TI-IM.

En effet, confier la responsabilité d’une filière à des opérateurs privés crée le risque que ces acteurs gèrent la filière en fonction de leurs propres intérêts et non de l’intérêt général, indique-t-on. Transparency International – Initiative Madagascar appelle les autorités concernées à se pencher sur ce secteur afin que tous les acteurs puissent en exploiter pleinement le potentiel et profiter de ses retombées.

Irina