Système alimentaire : loin de répondre aux objectifs fixés

13 Apr 2021

L’organisation des Nations-Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), et le centre français de recherches agronomique et de coopération internationale pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes (Cirad), organisent du 13 au 15 avril, un atelier de synthèse en ligne, afin de présenter les résultats des analyses et études réalisées dans le cadre de l’initiative menée par ces deux entités. Ce programme est financé par l’Union européenne et a pour objectif de recueillir les informations et propositions de tous les acteurs des systèmes alimentaires du pays.

Car, d’après le diagnostic mené à l’échelle nationale depuis décembre 2020, la performance des systèmes alimentaires malagasy est loin de répondre à l’objectif d’assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle contribuant à la santé de la population.

A l’issue des échanges entre acteurs des systèmes alimentaires à Madagascar visant à définir des orientations clés pour l’avenir des systèmes alimentaires du pays, le verdict est tombé sur la nécessité de transformer la structure de la production, améliorer les chaînes d’approvisionnement, et modifier le comportement du consommateur en faveur d’une diversification et d’une fortification du régime alimentaire.

Systèmes alimentaires durables

Les acteurs et les activités des systèmes alimentaires génèrent des impacts à long terme suivant quatre dimensions pour leur durabilité à savoir la sécurité alimentaire, nutrition et santé, la socio-économie, la gouvernance et territoire et enfin l’environnement.

“Un système alimentaire durable est un système qui atteint ces quatre objectifs fondamentaux sans que les bases économiques, sociales et environnementales ne soient compromises sur le long terme. En résistant aux chocs (par exemple à la COVID 19), un système alimentaire durable doit continuer à fonctionner et à atteindre ses objectifs, même dans un contexte de plus en plus difficile. En toute circonstance, il est important de garantir la disponibilité et l’accès à une alimentation sûre, nutritive et abordable, pour créer des emplois et des moyens de subsistance décents et pour protéger les ressources naturelles et la biodiversité, ainsi que l’équilibre et l’équité entre les différents territoires et régions” indique-t-on.

Rapide état des lieux

En 2019, Madagascar figurait au 114ème rang sur 117 pays selon l’Indice de la faim dans le monde et au 108ème rang sur 113 pays sur l’Indice global de sécurité alimentaire. La sous-alimentation concernait 44% de la population. Cette sous-alimentation est liée à une production nationale qui n’arrive pas à suivre la croissance démographique galopante, à la pauvreté élevée de la population, et à l’enclavement de certaines zones rendant difficile l’acheminement des denrées alimentaires.

De plus, les scores de diversité alimentaire des ménages sont déplorables : le régime est essentiellement glucidique (céréales à 79%) influencé par une réduction de la disponibilité en fruits et légumes, poissons et fruits de mer, viandes et abats, lait et œufs depuis la période postindépendance. Ceci est exacerbé par le faible pouvoir d’achat, le manque d’éducation nutritionnelle, la méconnaissance des ménages sur les méthodes de conservation et de transformation des produits, l’enclavement, etc. Les enfants de moins de 5 ans sont les premières victimes, en 2016, 42% étaient en retard de croissance généralement irréversible, ainsi ces enfants porteront des séquelles à vie.

Par ailleurs, le système alimentaire malagasy peine à fournir des moyens d’existence et des emplois décents à ses acteurs. Le secteur agricole ne contribue qu’à hauteur de 20% du PIB, et génère peu de ressources pour les exploitants agricoles en majorité familiaux, par contre la balance commerciale alimentaire en calorie révèle une dépendance relativement modérée de Madagascar aux importations autour de 21%.

La disparité de développement entre milieu rural et urbain est une des principales résultantes du système alimentaire avec un double enclavement des zones de production agricole lié au problème d’approvisionnement et d’évacuation, et à l’isolement créé par la protection d’intérêts monopolistiques locaux. Le cœur du système alimentaire est dominé sans partage par les collecteurs et les exportateurs ; les producteurs constituent systématiquement un maillon faible par manque de capacité.

Sur le plan environnemental, le système alimentaire éprouve des difficultés à gérer, préserver et régénérer les écosystèmes et les ressources naturelles, à l’instar de la déforestation en faveur des surfaces cultivées et du charbonnage, mais également les pratiques agricoles (culture sur pente très forte, culture sur brûlis, etc.) qui favorisent la perte (par ruissellement ou par lessivage) des matières organiques et des ions essentiels à la productivité agricole, et l’utilisation de fertilisants et pesticides chimiques qui laissent des résidus persistants aussi bien dans le sol que dans les aliments produits.

Territorialisation des systèmes alimentaires

La multi-dimensionnalité des enjeux et leurs interdépendances amènent à proposer un zonage qui rend compte des différences infranationales en termes d’acteurs et d’activités majeures des systèmes alimentaires, de moteurs et tendances influençant le fonctionnement des activités agricoles et alimentaires et leurs performances, et enfin des effets générés dans les 4 dimensions d’un système alimentaire durable citées plus haut.

Cinq zones alimentaires territoriales (ZAT) sont ainsi délimitées sur la base du milieu physique naturel, de l’organisation socio-économique des habitants de la zone, de l’existence de bassins de production et de consommation ainsi que des infrastructures de transport et de stockage pour une fluidité de la distribution.
Il s’agit de la ZAT 1, le Grand Nord (Boeny, Sofia, Diana, Sava) : zone productrice de produits de rente, ZAT 2, le Grand Centre ou les Hautes Terres (Vatovavy Fitovinany, Haute Matsiatra, Amoron’i Mania, sud du Menabe, Vakinankaratra, Analamanga, Betsiboka, Alaotra Mangoro, Itasy, Bongolava) : poumon vivrier avec les greniers rizicoles et les bassins maraîchers et laitiers, ZAT 3, le Grand Est (Atsinanana, Analanjirofo, Atsimo Atsinanana) : zone de produits de rente, ZAT 4, l’Ouest lointain (Melaky, tiers nord du Menabe, tiers ouest du Bongolava) : zone de transit des bovidés, accusant un énorme potentiel à condition d’un désenclavement et ZAT 5, le Grand Sud (Anosy, Androy, Atsimo Andrefana, Ihorombe) : source déterminante de cheptel bovin

Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires

Ce travail sur les systèmes alimentaires constitue une base des réflexions à mener au niveau du pays surtout dans le cadre des dialogues destinés à éveiller le public au fait que nous devons tous ensemble travailler à modifier la façon dont nous produisons, consommons et voyons les aliments.

Des Concertations pour le Sommet sur les systèmes alimentaires sont organisées par les autorités nationales et des individus issus de toute la société, tels que les acteurs clefs des mondes de la science, des affaires, de la politique et de la santé avec des universitaires, des agriculteurs, des membres de communautés autochtones, des organisations de jeunes, des groupes de consommateurs, des militants écologistes et d’autres parties prenantes essentielles. Ces protagonistes se rencontreront avant, pendant et après le Sommet pour susciter des modifications tangibles et positives des systèmes alimentaires dans leurs pays et dans le monde.