La société civile démissionne du Comité de Suivi-Évaluation des Pôles Anti-Corruption

24 Mar 2023

Une quinzaine d’organisations de la société civile fustigent la loi n°2021-015 du 05 août 2021 (dite loi Idealson), dont les dysfonctionnements engendrés tendent selon elles vers l’anéantissement des efforts entrepris depuis de longues années dans la mise en place du système anti-corruption et en particulier des pôles anti-corruption (PAC). Elles ont ainsi pris la décision collective de démissionner du Comité de Suivi-Évaluation des Pôles Anti-Corruption (CSE PAC). Pour rappel, le CSE PAC a pour rôle de garantir le bon fonctionnement des PAC servir de garant de l’indépendance des PAC ; et constituer le comité de recrutement des magistrats des PAC, en collaboration avec les représentants du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM).

Les OSC soutiennent qu’elles refusent d’être complices du démantèlement des acquis, du renforcement de l’impunité en raison des demandes de poursuite non concluant ou encore la procédure de mise en accusation de la Haute Cour de Justice n’aboutissant pas. D’après leurs explications, la société civile n’exerce plus qu’une participation symbolique au CSE PAC, et son avis est de plus en plus ignoré. C’est ainsi qu’elles ont décidé de démissionner. Selon elles, il s’agit d’une démission éthique.

“La composition du CSE PAC telle qu’elle est définie par l’article 39 de la loi Idealson ne garantit plus l’indépendance des PAC. Le BIANCO et le SAMIFIN sont désormais cantonnés au rôle de simples observateurs. Cette loi a également modifié l’avis lié du CSE PAC en simple avis consultatif quant au renouvellement du mandat du Coordonnateur des PAC“, indiquent les OSC. Pour elles, cette nouvelle composition du CSE PAC met en péril la sincérité des futurs recrutements des magistrats entrepris par le CSE PAC. Ces décisions sont remises au CSM dont le fonctionnement et la fixation de l’ordre du jour est tributaire de la Présidence de la République. D’autant plus qu’à ce jour, la représentation de la société civile au sein du CSM n’a pu être mise en place malgré les nombreuses relances et propositions d’organisations lancées auprès du Ministère de la Justice, soulignent-elles.

Les OSC blâment par ailleurs le revirement du CSE PAC, qui a décidé sans la présence du représentant de la société civile, d’aller à l’encontre de l’avis favorable déjà donné par le Comité pour le renouvellement des magistrats PAC alors en fin de mandat. Une nouvelle décision qui a été suivie par le lancement le 17 mars dernier d’ un appel à candidature pour le recrutement des magistrats en fin de mandat, après que le Conseil des ministres ait constaté la fin du mandat des Chefs des Cour.

“A plus forte raison, ce processus de remplacement des magistrats prendra un délai considérable et paralysera les PAC durant cette année 2023, sachant que ces derniers sont aujourd’hui dépourvu de Président, de Procureur Général, entre autres postes vacants” soutiennent les OSC. “Nous regrettons ce contexte délétère au sein du CSE PAC, qui démotive les bonnes volontés et incite beaucoup de magistrats à quitter les rangs des PAC”, ajoutent-elles

Les OSC qui viennent de démissionner du Comité de Suivi-Évaluation des Pôles Anti-Corruption dénoncent également les pressions visant à museler les PAC, à l’exemple de la récente affaire relative au Maire de Vavatenina. Elles exhortent les autorités concernées à cesser toute tentative d’influence et de représailles , en particulier à l’approche de la période électorale.

“Le déclin programmé des PAC va à l’encontre de la volonté affichée des autorités d’appliquer une tolérance zéro à l’égard de la corruption, et s’oppose à l’instauration d’une bonne gouvernance, indispensable au développement inclusif et durable de Madagascar“, martèle la société civile.

Pour envisager de reprendre leur place au CSE PAC, les OSC sollicitent entre autres le retour au dispositif CSE PAC antérieur à la loi Idealson ; la fixation d’un règlement intérieur au sein du CSE PAC ; la reconnaissance et le respect des rôles de chaque entité dans la lutte contre la corruption (SAC) ; l’arrêt immédiat des pressions et des représailles exercées sur les magistrats du PAC ; la mise en place d’un processus de recrutement impartial, et exempt de consignes externes ; ainsi que l’opérationnalisation du PAC Fianarantsoa par la nomination des magistrats sélectionnés depuis juin 2021.